 
        À Paris, Sophia, 64 ans, a vécu 8 mois avec l’angoisse de l’expulsion.
« La vie est devenue tellement difficile… Le Covid, puis ma longue maladie m’ont fait basculer dans une précarité que je ne pensais jamais connaître », précise tout de suite Sofia, assise à la cafétéria d’une grande enseigne. « Maintenant, je connais tous les bons plans ; je viens souvent ici, on peut avoir un café gratuit si on a la carte de membre ; on peut s’installer, travailler, on est tranquille. »
Depuis plus de deux ans, Sophia est à l’affut de tous les bons plans. « J’ai eu un lourd problème de santé qui a fortement ralenti mon activité professionnelle déjà très impactée par le Covid ; j’ai passé des mois à l’hôpital. C’est là que ma dette de loyer a commencé. En sortant de mon hospitalisation, j’étais très faible et j’ai eu deux accidents qui m’ont définitivement empêchée de reprendre le travail… et la dette a continué d’augmenter. »
« Comment payer quand on n’a plus d’économie et seulement le RSA pour vivre ? J’ai vécu l’enfer, physiquement et psychologiquement. Les cartes alimentaires et les distributions de vêtements et la première injonction de mon propriétaire pour quitter l’appartement, en janvier dernier. Même si je m’y attendais, ça a été très violent. Sans parler de la convocation à la police ou du courrier qu’il faut aller chercher chez l’huissier. À chaque étape, on se sent jugé, et en plus de l’angoisse de l’expulsion, j’ai l’impression d’être broyée par la machine judiciaire. »
Malgré ces épreuves, Sophia s’est pourtant battue tout de suite pour ne pas s’enfoncer plus encore dans la précarité et conserver le 30 m2 qu’elle occupe depuis 8 ans. Elle contacte dès le début de sa dette une assistante sociale qui l’a rapidement mise en lien avec l’Espace Solidarité Habitat de la Fondation pour le Logement.
Depuis 8 mois au milieu de ses sacs plastiques
« L’accompagnement juridique de l’ESH a joué un rôle primordial. Si je ne l’avais pas eu, je ne serais pas là aujourd’hui… et pourtant, je considère que je sais lire des papiers administratifs… et j’ai quand même une connaissance de mes droits, car je le rédigeais beaucoup de contrats dans mon métier, autrefois. Quand on reçoit une convocation de la police, c’est très violent, je me suis sentie tellement jugée ! Et ce qu’il y a de certain, c’est qu’une procédure d’expulsion, c’est épuisant physiquement et psychologiquement. Les gens ne sont pas armés contre cette violence, on est déjà cassé et on vous casse encore plus.
J’ai eu de nombreuses crises d’angoisse, pendant des semaines, et à chaque fois que je sollicitais l’ESH, que j’appelais Lucas qui s’est occupée de moi pendant toutes les étapes de la procédure, ça me calmait… Je vis depuis 8 mois dans le bazar, chez moi, au milieu de sacs plastiques qui sont pleins et je loue une cave que j’ai à moitié remplie car je dois trouver des personnes avec une voiture pour m’aider à tout vider… mais je ne sais pas si je vais pouvoir la garder, c’est 50 euros et 50 euros, c’est trop cher pour moi. »
Convoquée au Tribunal en novembre 2024, Sophia s’est vu attribuer un délai et son expulsion a été reportée au 15 mai prochain, bien après la trêve hivernale.
« Cette trêve, c’était déjà un répit que j’attendais, mais là, avec près de 2 mois de plus, je reprends confiance. C’est grâce à l’ESH que j’ai eu ce report, car mon propriétaire n’a pas respecté le délai que le juge m’avait octroyé. J’espère vraiment que d’ici là, j’aurai trouvé un logement moins cher… Sinon quoi ? La rue ? Vous vous rendez compte ? Il est hors de question que j’aille squatter chez mes enfants ou chez les autres… ce n’est pas envisageable pour moi. »
Avec le délai qui lui a été accordé cet été, Sophia a poursuivi ses démarches pour obtenir sa retraite. « Enfin, c’est finalisé ! Je suis à nouveau confrontée à des délais et pour l’instant, je ne sais pas quand je vais toucher ma retraite, c’est à nouveau le stress… J’espère juste que cela ne va pas tarder, car le RSA, ce sera fini en novembre. Et pour ma santé, je ne sais pas trop comment je vais faire, vu que je vais perdre la CMU. Mais, je vais continuer à me battre, je ne veux pas lâcher. J’aime la vie et j’ai été tellement bien soutenue. J’ai la plus grande gratitude pour la bienveillance et le professionnalisme des gens qui m’ont aidée et qui continuent de le faire. Et la violence de tout ce que j’ai vécu me fait voir la vie différemment, cela m’a rendue plus forte. »
 
     
     
     
     
     
    