
C’est une histoire aussi incompréhensible qu’inacceptable. Une de plus, une de trop. Cette fois-ci cela concerne une famille de 6 enfants.
Depuis 2 ans, la famille en question a renouvelé 218 demandes d’hébergement d’urgence auprès du 115 toutes restées non pourvues. Pour la première fois, elle était enfin hébergée du 26 septembre au 1er octobre, dans le cadre du système de nuitées en gites ou hôtels meublés…
Parmi les enfants, il y a un bébé de 8 mois avec des problèmes de santé important. C’est une praticienne de l’hôpital suivant le bébé qui a alerté la Fondation pour le Logement.
La famille allait se retrouver à la rue du jour au lendemain matin, sans explication acceptable et surtout, sans alternative.
En effet, jusqu’à début octobre, la prise en charge de la famille était faite sur le quota du Conseil Départemental avec des critères spécifiques : être soit une femme seule / isolée ; victime de violences ; enceinte, ou avec enfants uniquement si au moins l’un des enfants est âgé de moins de 3 ans. Or, la prise en charge de la famille a été stoppée nette du jour au lendemain, au motif qu’elle n’était pas une « mère isolée », puisqu’il y avait également la présence du père de ses enfants.
Seule issue possible pour la famille, se réfugier à l’accueil de jour de la Fondation pour le Logement, à Saint-Denis, à 40 km de la structure où elle était jusqu’à présent hébergée.
24 heures de tergiversations entre l’État et le Département
C’est dans ce contexte d’abandon institutionnel que cette famille est arrivée à la Boutique Solidarité de la Fondation. Sans cela, elle aurait été livrée à elle-même toute la journée, ne sachant pas où elle allait dormir le soir. En fin de journée, l’État a finalement donné la consigne au SIAO de les héberger à nouveau dans le même lieu. Près de 24 heures ont été nécessaires pour que cette décision de bon sens soit enfin prise, l’État et le Département se renvoyant la responsabilité de la prise en charge de la famille…
En attendant que la prise en charge soit renouvelée, la Fondation se retrouve seule à soutenir directement la famille, à la transporter sur son lieu d’hébergement, à apporter une aide alimentaire, et à maintenir un accompagnement social le temps nécessaire, alors même que cette famille est reconnue prioritaire au titre du Droit à l’Hébergement Opposable, depuis mars 2025. Faute d’une proposition dans un hébergement stable, elle vient même d’obtenir un jugement favorable du Tribunal Administratif, rappelant l’obligation du Préfet à leur proposer une solution adaptée.
« Vous imaginez l’angoisse et la détresse de cette famille ? Les logiques de gestion, de restrictions budgétaires, et de renvois de responsabilité entre les pouvoirs publics, conduisent à ce type de situation inadmissible. C’est la triste illustration de la maltraitance institutionnelle et de la perte de sens de l’action sociale », s’insurge Matthieu Hoarau, directeur de l’agence de la Fondation pour le Logement à La Réunion.
Rappelons que l’État reste le garant du droit à l’hébergement inconditionnel, destiné à répondre aux besoins immédiats de toutes les personnes sans abri et en situation de détresse. En 2024, plus de 2500 ménages n’ont pas été prises en charge par le dispositif d’hébergement d’urgence à La Réunion. Parmi eux, il y avait plus de 1000 enfants dont 330 de moins de 3 ans ce qui était totalement inédit.
Au lieu d’augmenter les capacités d’hébergement ou de logements adaptés, l’État souhaite réduire encore le nombre de nuitées hôtelières et ne déploie pas de nouvelles places de mise à l’abri.
Combien de temps encore les personnes les plus vulnérables, et parmi eux des enfants en bas âge, parfois même des nourrissons, vont-ils être ainsi malmenés ?
Face à la détresse des familles, et à la surenchère des critères locaux non prévus par la loi, la Fondation tire la sonnette d’alarme, pour que l’État garantisse réellement un hébergement inconditionnel. Un autre chemin est possible pour apporter des réponses concrètes dans le respect de la dignité des personnes.